18 Façons de rendre efficace le système de jetons – TDAH

18 Façons de rendre un système de jetons plus efficace avec les enfants qui ont un TDAH avec ou sans Hyperactivité

Titre : 18 Ways to make Token Systems More Effective for ADHD Children and Teens
Auteurs : Barkley, Russel A.
Source : ADHD Report, Vol. 4      1996

par Charles Robitaille, Ph.D.
Centre Psycho-Pédagogique de Québec Inc

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Les systèmes de jetons sont essentiels pour les jeunes atteints du trouble déficitaire de l’attention/hyperactivité, au même titre que les prothèses pour les handicapés physiques. Ils constituent souvent les seuls moyens techniques mis à leur disposition afin de combler les déficits spécifiquement associés à ce trouble. Cependant, peu d’intervenants ont suivi des formations spécifiques dans l’art de gérer l’efficacité de tels systèmes, que ce soit à l’occasion de leur formation initiale ou lors de perfectionnement ultérieur. C’est dans cet esprit que nous nous attarderons ici à la mécanique nécessaire à la mise sur pied de systèmes de jetons.

Souvent, la mise sur pied d ‘un tel système se limite à l’instauration d’un tableau de compilation d’un certain nombre de comportements, cibles auxquels sont associés des privilèges que peut se mériter le jeune. Au cours des jours et des semaines, le jeune se voit remettre des jetons pouvant éventuellement être échangés contre un ou plusieurs des privilèges énumérés. Souvent, ce type de contrat perd rapidement son pouvoir attractif après une très brève période de temps. En fait, de tels contrats négligent de prendre en considération plusieurs éléments fondamentaux. Nous vous présentons ici dix-huit éléments qui nous semblent essentiels à contrôler afin de rendre efficace les systèmes de jetons.

1 – Présenter le contrat dans un contexte positif et constructif

Souvent l’instauration d’un tel contrat peut laisser l’impression au jeune (c’est vrai) qu’il perdra tous les privilèges auparavant gratuits. Il faut éviter ce piège en utilisant de nouveaux privilèges qui récompenseront ses nouveaux efforts. Il faut créer un climat de coopération où le jeune sera engagé positivement.

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2 – Restreindre la liste de comportements cibles

Les responsabilités quotidiennes sont souvent les premières retenues: se laver, faire son lit, ranger ses jouets, suspendre sa serviette de bain, faire le ménage de sa chambre, etc. Les travaux scolaires sont aussi à inclure dans la liste, de même qu’un certain nombre de comportements sociaux, comme l’honnêteté, le contrôle de l’humeur et du tempérament, les conflits avec les autres membres de la famille ou les amis, etc. Il faut cependant faire preuve d’une certaine retenue et ne pas chercher l’énumération exhaustive des comportements et des responsabilités qui viennent à l’esprit des parents.

3 – Dresser une longue liste de privilèges (au moins quinze)

Il s’agit d’un élément très important car le pouvoir motivant des jetons est proportionnel à la valeur affective des privilèges qui y sont associés. Associer le jeune à la conception de cette liste et il trouvera souvent des récompenses ou privilèges que ses parents n’auraient pas imaginés.

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Sans être exhaustive, cette liste devrait contenir des récompenses de différentes natures et de valeurs variées. Ainsi, certains privilèges coûteux (sortie au cinéma ou au restaurant) pourront être obtenus après des efforts prolongés, alors que d’autres seront accessibles sur une base journalière (émission de télévision, accès à des jeux vidéo, usage du téléphone ou du « skate »). Souvent ce sont ces petits privilèges qui sont le moteur du plan d’intervention en raison de la grande difficulté qu’a le jeune TDA/H à tolérer un délai pour l’obtention d’une récompense. Dans le même esprit, certains privilèges importants, qui semblaient très stimulants au moment de l’implantation du programme, perdent tout pouvoir attractif en raison du délai nécessaire à leur obtention. Les privilèges journaliers présentent souvent l’avantage d’être très peu coûteux (se coucher plus tard, choisir le menu ou le dessert du souper, jouer à un jeu vidéo, avoir du temps en exclusivité avec un de ses parents). Naturellement, les privilèges normaux de la vie d’un enfant n’ont pas à être inclus à cette liste. Il serait, par exemple, abusif d’inclure un repas, ou de faire laver son linge. L’utilisation de jetons pour se procurer de tels privilèges nuirait à la nécessaire coopération déjà mentionnée. Enfin, l’argent de poche du jeune (que certains appellent « salaire » devrait toujours faire partie du système de renforcement. Le jeune doit gagner des privilèges et donc sa paye hebdomadaire par le biais du système et non pas en parallèle.

4 – S’assurer qu’au moins le tiers des privilèges soit accessible sur une base journalière

La pratique a démontré qu’entre la moitié et le tiers des privilèges disponibles doivent être accessibles sur une base journalière. Cette précaution permet de s’assurer qu’au moins quelques récompenses sont toujours accessibles facilement et minimise les risques de chercher à motiver le jeune uniquement avec des objectifs qui peuvent paraître trop éloignés à ses yeux.

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5 – Quoi utiliser: des jetons ou des points ?

Il faut prendre en considération le niveau de développement du jeune pour choisir ce qui servira de monnaie d’échange. Pour les enfants de quatre ans et moins, l’utilisation de systèmes de jetons n’est pas recommandée parce qu’ils ne sont pas en mesure de saisir la valeur symbolique du jeton. Pour les jeunes de quatre à sept ans, l’utilisation de jetons a l’avantage d’être tangible alors que pour les jeunes de huit ans et plus, l’utilisation d’un système de points compilés dans un carnet semble donner un meilleur rendement.

 6 – Déterminer la valeur de la monnaie d’échange en fonction de l’âge

Il faut tenir compte du niveau développemental du jeune, non seulement pour déterminer le type de monnaie d’échange, mais aussi pour fixer le coût des privilèges. Pour les enfants de quatre à six ans, on accordera de un à cinq jetons pour l’atteinte d’un comportement cible. Pour les sept à dix ans, ou pourra se rendre à 25 points ou jetons. Pour les plus vieux, on accordera de dix à 200 points. Ainsi, le jeune pourrait se voir attribuer 25 points pour chaque période de quinze minutes d’effort ou de travail et cent points pour une heure.

Indépendamment de l’échelle de grandeur utilisée, deux règles doivent être respectées dans l’attribution de la quantité de points ou de jetons à associer aux comportements cibles :

a) plus il faut d’effort pour réaliser le comportement, plus on donne de jetons;

b) plus le jeune est réticent à un comportement cible, plus on donne de jetons.

Il ne faut cependant pas accorder trop de rigidité à l’attribution de la valeur de chaque comportement cible, car des réajustements seront de toute façon nécessaires fréquemment.

7 – Calculer le coût des récompenses et des privilèges en fonction de la règle des deux tiers

Maintenant que vous avez en main la liste des comportements cibles et la valeur qui leur est attribuée, déterminez le nombre de point que le jeune pourrait accumuler à chaque jour. Pour les fins de ce calcul, ne prenez en considération que les tâches ou obligations qui peuvent être réalisées sur une base journalière par le jeune. Le but de l’exercice est de fixer le coût des privilèges journaliers, de sorte qu’il soit possible pour le jeune de dépenser pour les privilèges quotidiens les deux-tiers des points gagnés à chaque jour. Ainsi, le jeune qui peut accumuler environ trente jetons ou points par jour devrait être en mesure d’en dépenser environ vingt chaque jour pour les privilèges journaliers (coucher plus tard, émission de télévision, jeux vidéo) de sorte qu’il lui en restera environ dix qu’il pourra accumuler afin de les échanger contre un privilège à plus long terme. Après avoir dressé la liste des coûts rattachés aux privilèges disponibles sur une base journalière, il faut faire le même exercice avec les privilèges et récompenses qui reviendront de façon moins fréquente. En prenant en considération que le jeune n’aura que le tiers de ses revenus de jetons disponibles pour ce type de privilège, il ne reste qu’à calculer le nombre de jours souhaités avant l’attribution de chacun de ces privilèges et à fixer le Coût de ces récompenses en conséquence. Naturellement, les privilèges les plus dispendieux ou qui ont le plus grand pouvoir attractif sur le jeune seront les plus coûteux en jetons ou en points.

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8 – Attribuer des points bonus pour une bonne attitude

Sur votre feuille de compilation, inscrivez BONNE ATTITUDE en majuscules et sur la même ligne POINTS BONUS. Il faut expliquer clairement à l’enfant que non seulement il peut accumuler des points pour avoir fait les tâches demandées, mais qu’en plus ses parents peuvent lui accorder des points ou jetons pour la façon dont il a réalisé ses défis. Ces points seront attribués à la discrétion des parents et le nombre de points sera déterminé à chaque fois, en fonction de l’attitude. Il est essentiel que le jeune comprenne qu’il est important de réaliser ses obligations dans un climat positif qui respecte ses parents et ses pairs.

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9 – Plus il y a d’échanges jetons-récompenses, plus le système est efficace

Plus souvent le jeune reçoit de renforcements par le biais de points ou de jetons, plus il est motivé à continuer à faire des efforts dans le cadre du contrat. En fait, en agissant de la sorte, on lui rappelle continuellement la présence du contrat et des privilèges qui y sont associés. Les parents et les intervenants doivent être conscients de ce phénomène et assumer leurs responsabilités de façon constante.

10 – Donner des points ou des jetons lorsque le jeune se conforme sans faire répéter la demande

Il est essentiel d’établir très clairement cette règle: les jetons ou les points ne seront accordés que pour les demandes qui ont été satisfaites sans qu’on ait eu besoin de les répéter. Si la demande doit être répétée, la chance d’avoir des jetons s’est envolée. Quelle sera alors la motivation pour le jeune à faire ce qui est demandé? Pour le moment rien, mais dans quelques semaines les parents auront la permission de soustraire des points ou de retirer des jetons s’ils doivent répéter. Il est donc important que le jeune comprenne cette règle dès le début du contrat.

11 – Être généreux avec les jetons et les points

Pendant la première semaine du contrat, les parents ou les intervenants doivent être plutôt généreux dans la distribution de points ou de jetons. Ils peuvent même en attribuer à l’occasion pour des comportements positifs non listés au contrat. Ils peuvent utiliser assez librement les points-boni pour les premiers signes d’efforts de la part du jeune. Il faut spécialement souligner les occasions où le jeune remplit spontanément ses obligations, sans avoir eu de rappels ou de demandes de la part de l’adulte.

12 – Pas d’amende ou de retrait de jetons ou de points pour au moins une semaine

Les parents sont souvent portés à punir leur enfant en retirant des jetons ou des points. Il faudra les convaincre de ne pas utiliser le contrat pour punir. Durant les premières semaines, le système doit être exclusivement positif et motivant pour le jeune. S’ils doivent punir, ils peuvent utiliser toutes sortes d’autres moyens, mais pas le retrait de points ou de jetons.

13 – Après quelque temps, lorsqu’il devient possible d’imposer des amendes, utiliser un ratio 2 : 1

Après quelque temps, quand le système est bien installé et fonctionnel, les parents peuvent commencer à imposer des amendes pour le refus d’obtempérer. La procédure de mise à l’amende pourrait ressembler à ceci : le parent demande au jeune de remplir une de ses obligations. Si le jeune n’obtempère pas dans des délais raisonnables (cinq à dix secondes) il est averti qu’il vient de perdre sa chance d’avoir des points ou des jetons. Le parent répète alors sa demande et si le scénario se répète il avertit le jeune qu’il vient de perdre le nombre de points équivalents à ce qu’il se serait mérité s’il avait réalisé la demande.

À partir du moment où l’adulte commence à imposer des amendes, il devra avoir à l’esprit de continuer à récompenser deux fois plus qu’il ne punit. Ainsi, si le total des jetons d’une journée est pratiquement nul, , l’intervenant devra se rappeler de compenser rapidement pendant les 24 prochaines heures afin que le jeune reçoive en moyenne deux fois plus de jetons qu’il ne s’en fait retirer. Sans cette précaution, on risque de perdre rapidement l’intérêt du jeune pour le système et sa motivation fera vite défaut.

14 – Attention de ne pas tomber dans une escalade punitive

Lorsqu’on commence à donner des amendes, il est très facile de tomber dans une escalade punitive. On retire les jetons, ce qui choque le jeune qui devient impoli, on lui retire encore des jetons et il fait une crise qui pourrait encore être punie par le retrait de jetons. Il est essentiel que l’adulte ait la responsabilité d’éviter de telles escalades. Une approche plus appropriée consisterait à isoler le jeune dès qu’il réagit trop fortement à la punition. On ne devrait pas retirer de jetons ou de points plus de deux fois à chaque épisode de crise.

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15 – Établir des quotas

Certains intervenants ou parents ont de la difficulté à percevoir les comportements corrects du jeune et ont tendance à ne pas récompenser suffisamment. Si on constate une telle tendance, il est pertinent d’imposer des quotas, c’est-à-dire un certain nombre de points ou de jetons à attribuer quotidiennement. Les adultes qui présentent cette difficulté de façon chronique devraient éventuellement être référés en thérapie.

16 – Pas de renforcement sans efforts

Malgré l’évidence de cette règle, il faut souvent rappeler aux intervenants qu’ils ne doivent accorder aucun des privilèges inscrits au contrat sans que le jeune ait mérité tous les points nécessaires. Pas de cadeaux, pas de vente de privilèges à rabais.

17 – Adapter fréquemment la liste des récompenses

Après une ou deux semaines, on constate souvent que le jeune n’ a plus d’intérêt pour certains des privilèges inscrits à la liste, il ne les a pas choisis et ne semble plus tenté par eux. Il est souhaitable d’associer le jeune à ce réajustement de la liste de privilèges.

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18 – Planifier le retrait du plan d’intervention

Le système de points ou jetons doit être maintenu pendant au moins six à huit semaines pour être efficace. Cette durée est minimale pour développer et ancrer solidement de nouvelles habitudes de comportement, tant pour le jeune que pour les parents ou tout autre intervenant. Après ce délai, on peut indiquer au jeune qu’il est temps d’essayer de mettre de côté le système de pointage ou de jetons, mais que l’on continuera malgré tout à accorder des privilèges en fonction de ses agissements. Avec les enfants TDAH, les parents vont devoir revenir régulièrement avec une version nouvelle, adaptée, d’un système de jetons.

Voilà la recette d’un système de renforcement réussi. Comme toute recette, elle bénéficie toujours d’une touche personnelle et vous devrez y donner votre couleur.*

*http://aqps.qc.ca/uploads/documents/bulletins/09/09-03-07.htm